Post-apocalyptique
L'homme errait dans les rues désertes, traînant son âme
en peine dans les décombres de la ville. Il n'était pas le seul à avoir été
épargné par l'Epidémie et la guerre civile qui s'en était suivie. Des ombres
passaient devant les ouvertures béantes de bâtiments encore debout ; réfugiés
fuyant un fléau universel, pillards craignant les milices de l'Ordre Nouveau,
pauvres paumés à la recherche d'une raison de vivre... tout comme lui.
Alors qu'il parvenait au croisement de l'avenue de la
République et du Cours Charlemagne, des cris perçants lui parvinrent. Les cris
d'une femme épouvantée. Avant qu'il ne s'en rendit compte, il s'était déjà
élancé vers le bâtiment d'où provenaient les hurlements. Il s'engouffra dans le
vestibule, grimpa quatre à quatre les escaliers remplis de gravats et se
retrouva dans un couloir mité, rempli d'une traître pénombre. Au bout du
corridor une porte se découpait, éclairant un linoléum poussiéreux, troué par
les mégots de cigarette. Il se précipita, butant contre les restes de
chambranles brisés, brassant les toiles d'araignées. Il fit face alors à une
scène devenue par trop ordinaire. Deux hommes violentaient une jeune femme
encore belle malgré les turpitudes d'une existence devenue bien amère.
N'écoutant que son courage, il sortit sa machette, récupérée dans le rayon
jardinage d'une grande surface, et se jeta sur les violeurs.
(Tirez-vous bande de
p'tites tapettes, sinon j'vais vous faire une grosse tête !")
" Allez-vous en tout de suite ! Ne m'obligez pas à user
de violence !", ajouta-t-il en brandissant bien haut sa lame. Les deux
agresseurs se détournèrent un instant de leur sale besogne. Il se lancèrent un
regard de connivence puis l'un d'eux haussa les épaules et se leva. L'homme à
la machette fit un pas en avant tandis que l'autre portait la main à la poche
de son blouson. Une sourde détonation retentit. La machette tomba la première,
celui qui la tenait ensuite. Il s'écroula face contre terre, bougea et gémit un
peu, puis s'immobilisa.
A son
réveil, sa première sensation fut celle d'une douleur cuisante au niveau de la
hanche droite. Il se remémora sa piètre prestation, prit conscience de sa
chance car il était toujours en vie. Dans ce monde sans pitié, une défaite
était souvent fatale. Il était étendu sur le dos, entouré de gravats, et d'une
poussière malsaine. Il porta la main à sa blessure, constata avec surprise
qu'elle était recouverte d'un linge humide. Comme il le pressa doucement une
forte odeur d'alcool lui parvint. Il comprit alors que la douleur était plus le
fait du remède que de la plaie. Il perçu le bruit feutré d'un pas qui se
rapprochait. Un visage apparût au-dessus de lui.
" Vous avez de la
chance, la balle vous a traversé sans toucher ni organe vital ni os. Au fait,
je vous remercie pour votre tentative, mais la prochaine fois frappez d'abord
et discutez ensuite." La jeune femme lui adressa un sourire douloureux, de
larges hématomes lui marquant la face. Les terribles épreuves qu'elle avait
enduré durant toutes ces années de chaos l'avaient endurcie, lui permettant de
surmonter la terrible épreuve d'un viol. Elles n'avaient pourtant pas
métamorphosées son coeur en pierre, et c'est avec douceur qu'elle souleva la
charpie.
"Je vais devoir
vous faire un pansement et je vais avoir besoin d'un minimum de coopération de
votre part." Elle l'aida à s'asseoir, la douleur lui tordant les
entrailles au moindre mouvement. Elle fit preuve d'un savoir faire qui étonna
notre apprenti héros.
" Vous étiez
infirmière ?
- Non, je faisais des
études d'histoire lorsque la catastrophe arriva. J'ai appris sur le tas. Ce
genre de connaissances se monnayent plutôt bien de nos jours. Et vous, que
faites-vous à part tenter de sauver les jeunes filles en détresse ?" Sous
la moquerie l'homme rougit.
" Pas grand chose.
J'étais comptable 'avant'. Depuis je vais de droite à gauche à la recherche de
je ne sais quoi. Je n'ai plus de famille proche, plus d'attache. Vous étiez de
la ville ?
- Oui, je n'ai pas eu
le coeur à la quitter.
- Vous connaissiez les
deux brutes ?" Le visage de la femme se durcit.
" Oui,
malheureusement que trop. Ils sont de la milice. Ce n'était pas la première
fois qu'ils s'attaquaient à moi mais ils n'étaient encore jamais allés aussi
loin." Un silence oppressé s'installa.
" Au fait, je me
nomme Alain. A qui ais-je l'honneur ?" Il amorça une révérence, tentative
qui se révéla par trop douloureuse.
" Hélène. Plutôt
rétro comme nom, non ? Mes parents m'ont appelé ainsi d'après un feuilleton
plutôt débile de leur enfance. N'auriez-vous pas faim ? après tout, les
émotions ça creuse.
- Je ne voudrais pas
vous déranger.
- Dans ce cas vous êtes
plutôt mal parti."
Les deux jeunes gens vécurent quelques jours de calme,
Alain récupérant rapidement de sa blessure tandis qu'Hélène, de par ses acquis
en médecine, était souvent demandée de ci de là, s'occupant des divers bobos de
la petite communauté qui s'était organisée dans le quartier. Mal à l'aise parmi ces gens qu'il ne
connaissait pas, l'ancien comptable n'osait pas trop s'immiscer dans leur vie
misérable, conscient que de toute façon il n'avait rien à leur offrir. Un jour
qu'il revenait d'une course avec quelques victuailles dans les bras, Hélène le
prit à parti :
" Pourquoi ne prenez-vous pas part à la vie de la
communauté ? Je ne parle pas de vos petites expéditions en solitaire desquelles
vous revenez quasiment bredouille... Vous ne parlez à personne, vous ne
participez à aucune tâche ménagère... C'est presque un crime de ne pas se
rendre utile quand on est valide. Vous êtes remis à présent. Il y a ici des
personnes qui ont perdu bien plus que vous. Leur famille, leur biens mais aussi
une jambe ou un bras ou une partie de leur raison. Si vous ne voulez rien faire
pour eux, eh bien partez ! "
Alain
accusa le coup. Hélène avait raison bien sûr.
" Je... Excusez-moi. J'entretiens encore quelques
contacts avec des personnes d'un autre quartier. J'ai honte de l'admettre, mais
ils comptent plus à mes yeux que les pauvres souffreteux dont vous prolongez
l'agonie...
- Vous... - Hélène s'emporta.- Vous n'êtes pas sérieux ?
- ...
- Vous êtes bien l'être le plus abject..."
Elle
s'étrangla, se tut, retrouva son calme et poursuivit sur un ton de colère
contenue :
" Donc vous êtes en liaison avec d'autres communautés ?
Bien. J'espère que vous nous autoriserez au moins à les contacter...
- Je n'y vois pas d'inconvénients. Je vous y emmènerai dès
que je serai reposé."
" Donc vous n'avez pas de chef ici ?"
La vieille
femme, dont tout le côté gauche avait souffert d'une brûlure au second degré,
lança à Alain un regard chargé de désespoir. Une voix chevrotante sortit d'une
bouche qui ne comptait plus beaucoup de dents :
" Ma foi non. Le dernier qui a voulu se proclamer chef
de la communauté s'est tiré un jour sans demander son reste. Pourtant il se
débrouillait bien. Un beau gars costaud et puis pas bête pour
autant. Avant il y avait cette jeune
femme noire de l'ancien conseil municipal. Elle aussi (faisait du bon boulot) savait
s'y prendre, et puis un jour on l'a
retrouvée raide au pied d'un éboulement. Une grosse brique lui avait fracassé
la tête. De toute façon on n'en a pas besoins, on sait bien ce qu'on a
faire nous autre et vouloir un chef, ça nous apporte que des ennuis avec la
milice.
- Personne ne s'est
proposé depuis ?
- Dame non ! Et puis de
toute façon, y'en a aucun qu'aurait la carrure qu'y faut pour ce boulot, tous
des chiffes molles ou des grandes gueules qu'en imposent qu'aux chiards.
- Pourquoi avez-vous
dit qu'un chef n'apportait que des ennuis avec la milice ?
- Ben, parce qu'c'est
la vérité pardi ! La noire, elle a toujours voulu tenir tête à ces dingues.
Faut dire qu'ils nous pressurent sec ces salauds là et y s'encombrent pas avec
la politesse. Des sangsues, voilà qu'est-ce qu'ils sont, des sangsues
accrochées à not'dos ! Pourtant, y'a pas quoi les inquiéter ; avec ou sans
chef, faudrait qu'on soient fous pour se rebeller, nous avec nos poings contre
leurs armes. Et puis vu qu'y nous piquent tout, tintin pour s'en acheter, des
pétards. Et puis on est pas fait pour s'battre, c'est comme ça, faut s'y faire.
- On ne doit jamais se
résigner à l'injustice grand-mère, jamais."
Alain quitta le chevet de la malade puis le petit
dispensaire de fortune qu'avait mis en place Hélène avec l'aide de la
communauté. Son visage exprimait la colère, mâchoire serrée, regard fixe. Il
pris le chemin du lieu de rendez-vous.
" Eh mon gars,
rappliques ! On a besoins d'un quatrième pour la partie. Tu sais bien jouer à
la pétanque non ?" Alain sursauta et se rendit compte que trois hommes le
regardaient. Il fit un effort pour se détendre.
" Oui, mais je
suis pressé.
- Pressé à quoi faire ?
T'aurais rendez-vous avec une mignonne mon gars ? Sacré loustic, Hélène te
suffirait donc pas ? Et si c'est pas une amourette y'a sûrement rien qu'y
presse. Allez, tu vas pas nous faire le coup du mec qu'est pas ouvert...
Rappliques !" La rencontre ne devait pas se faire avant plusieurs heures.
Alain céda et se dirigea vers le petit groupe. L'un des hommes lui remit deux
boules.
" Tu feras équipe
avec moi. Je m'appelle Jean-Pierre, la grande gueule c'est Bernard et son
partenaire, Eric.
- Alain.
- OK Alain, tiens
honneur au nouveau." Le comptable lança le cochonnet puis soupesa les
boules.
" Elles pèsent
leur poids dites-donc !
- Des 800. Il faut bien
ça sur un terrain aussi pourri."Répliqua Bernard.
" Et pour la
chasse aux rats, de petits bijoux. Tenez, il y a pas deux jours, putain ! Un
rat grand comme mon avant-bras s'était pointé près de chez moi. Je tire et vlan
! En plein sur la tête ! KO pour le compte la sacrée bestiole."Enchaîna Eric.
" Vous en avez
beaucoup dans la communauté de fins tireurs comme vous ?
- Allons, nous sommes
entre amis, on se tutoient. Je voudrais pas me vanter mais je suis le meilleur.
Jean-Pierre est pas mauvais, ainsi que trois ou quatre autres. Bernard lui est
un pointeur hors-pair. Allez, assez parler, à l'action."
La partie se termina rapidement par un score sans appel,
la seconde fut encore pire. "Affreux, affreux. Jamais été aussi
ridiculisé." geignait Jean-Pierre qui n'avait pu malgré son talent
rattraper les maladresses de son partenaire. Alain finit par prendre congé en
fin d'après-midi. Il marcha pendant une bonne demi-heure avant de s'arrêter
dans un ancien petit jardin privé retourné à l'état sauvage. Avisant un
moellon, il s'assit au soleil, écoutant les moineaux piailler sur les fils
désormais inutiles, filons de cuivre des villes de l'apocalypse.
" Alain, toujours
aussi peu prudent." La voix avait retenti dans son dos.
" Salut Sébastien.
Tu vas bien ?
- Bien, et toi.
- Une arrivée au sein
de leur communauté plutôt mouvementée et douloureuse mais je m'en remet. Tu
avais raison, les milices veulent empêcher toute réorganisation. Mais je ne
comprends toujours pas leurs buts. Pour un mouvement de l'Ordre Nouveau, ils
prônent singulièrement le désordre." Une silhouette longiligne et sombre
s'accroupit à ses côtés.
" Je n'en sais pas
plus et le Comité en ait réduit aux suppositions. Où en sont tes recherches ?
- Pas grand
chose." Alain se mit à faire un rapport circonstancié.
" Bien. Dans une
semaine même heure même lieu. Fais attention à toi." L'homme lui serra
brièvement l'épaule avant de disparaître au milieu des décombres. Le crépuscule
s'installait sur la cité ; il était temps de rentrer. Alain se leva et s'en
retourna à la communauté, demain serait une rude journée.
Les quartiers de la périphérie étaient sinistres.
Anciennes cités dortoirs, elles avaient subies de plein fouet l'Epidémie. Le
désespoir, la drogue, la violence n'avaient fait qu'aggraver les choses. A
présent on les appelait les cités mortuaires et la superstition faisant le
reste, elles étaient devenues aussi peuplées qu'un cimetière. Les pilleurs, les
lépreux et autres malades incurables étaient devenus leurs seuls locataires.
Alain s'y aventurait de temps en temps, à la recherche de quelques caches ou
entrepôts encore intacts. Pour l'instant, il avait surtout besoins d'une
nouvelle arme, les deux miliciens lui ayant dérobé la sienne. D'anciens
panneaux publicitaires lui indiquaient la route : 'le centre Augier, 2000 m2
de surface à votre disposition, les prix les moins chers de la région, deuxième
à droite.' Il devait être vide, pillé depuis longtemps, mais Alain s'y rendait
tout de même.
Son attention fut attirée par un vol de corneilles. Elles
s'étaient rassemblées au bout d'un parking, se disputant les restes de quelque
malheureux. Il s'y rendit, dispersant les corbeaux mécontents à coup de
gourdin, un bout de câble gros comme deux doigts. Il fut alors pétrifié. Deux
corps d'hommes vigoureux étaient le repas des charmants volatiles. Leurs
visages, aux yeux dévorés, étaient à moitié en charpie ; l'atrocité du
spectacle n'était cependant pas la cause de cette pétrification. Le jeune homme
avait reconnu les deux salopards qui avaient violenté Hélène. Ils ne semblaient
pas avoir été la cible de pilleurs, leurs vêtements déchirés les recouvrant
tant bien que mal tandis que leurs affaires traînaient tout alentours. Les
corneilles revenaient à l'attaque et le comptable dû manier énergiquement son
arme pour s'en débarrasser à nouveau.
Autre fait étrange, les deux hommes portaient les objets
de leur virilité en un endroit peu fréquent, leur bouche. De longues
estafilades marquaient leurs torses, certaines dues aux serres des oiseaux
noirs mais d'autres, bien trop profondes et régulières, semblaient prouver
qu'ils avaient été soumis à la torture. Ils avaient sans nul doute mérité de
subir mille morts, mais Alain avait toujours eu en horreur de telles atrocités.
Détournant son regard, il ramassa les objets dispersés, laissant les
charognards continuer leur festin.
Il réussit à remplir deux sacs et eut le bonheur de
retrouver sa machette, couverte de tâches suspectes. Hissant les deux sacoches
sur ces épaules, il se prépara à partir. C'est alors qu'il repéra les cinq
pillards. Il étaient apparus au détour de la rue principale et se dirigeaient
vers lui. A regrets, il abandonna les deux sacs, ne gardant que la lame, et
s'éloigna en courant. Deux cent mètres plus loin, s'apercevant qu'ils ne le
poursuivaient plus, il s'arrêta, le souffle court. Il n'était pas mauvais
coureur, mais sa blessure l'empêchait de prendre correctement son souffle et il
ne tenait pas à la rouvrir.
Alain fit signe à Eric, puis après avoir observé quelques
minutes les enfants s'amuser, prit la direction du quartier Nord. Voilà déjà
six jours qu'il s'était proposé comme chef, proposition qui fut acceptée avec
autant d'entrain qu'une corvée de chiottes. Depuis cinq jours, tous les soirs,
il se rendait dans le quartier Nord, observer le coucher de soleil depuis la
place Mitterand et rien ne s'était encore produit. Hélène l'avait supplié de
revenir sur sa décision mais il ne pouvait pas, il devait remplir sa mission
quels qu'en soient les risques. Il pris comme à son habitude la rue Duquesne
puis Colbert. Tendu comme une corde de piano, il sursauta lorsqu'elle l'appela.
" Hélène, que
fais-tu là ?" Elle sortit de l'ombre du portique d'anciennes galeries
marchandes.
" Je t'attendais.
Je voulais te présenter l'un de mes amis." Un homme balafré, vêtu de noir
et pointant un 9 mm bronzé muni d'un silencieux s'avança dans la rue.
" Je t'avais
pourtant prévenu, j'ais même cru au début que je pourrais t'utiliser mais tu es
vraiment trop stupide."En parlant, elle se rapprochait, escortée de près
par son homme de main. Alain n'en revenait pas.
" Tu travailles
pour la milice, toi ?
- Non, je fais partie
de la milice. As-tu autre chose à dire avant de mourir ?
- Pourquoi ? Pourquoi
empêchez-vous les communautés de s'organiser autour d'un chef ?
- Ce serait trop long à
t'expliquer et de toute façon tu ne comprendrais rien. Fais-tes prières si tu
crois en quoi que ce soit. Paul, à toi." Soudain une pierre dégringola des
galeries marchandes. Eric se tenait à l'étage, dans l'encadrement d'une fenêtre
et venait de tirer l'une de ses boules. L'homme en noir, rapide comme un cobra,
pivota et fit feu. La masse d'acier l'atteignit au niveau de la tempe,
l'étendant à terre sans réaction tandis que le projectile de cuivre poursuivait
sa trajectoire, projetant en arrière le pauvre bouliste. La femme resta sans
réaction tandis qu'Alain s'emparait du Beretta dans la main inerte du milicien.
" Changement de
situation traîtresse." Hélène le contempla d'un regard méprisant qui lui
fit plus de mal qu'il n'osait se l'avouer.
" Je te connais,
tu n'oseras jamais tirer, comme la première fois face à ces brutes qui me
forçaient. Tu es un faible Alain, un lâche devant la mort. Tu ne les aurais
jamais tué même s'ils t'avaient laissé une chance. Moi, je ne leur ais laissé
aucune chance.
- Tu les as tué ?
- Oui ! Mais lentement.
Je les ais châtié par là où ils ont pêché, ces chiens. Ils m'ont supplié de
leur laisser la vie sauve. Tu les aurais vu, ils étaient lamentables, de vrais
chialeurs. Quoi ? Je te choque, tu n'oses plus me regarder en face, leurs morts
te répugnent !" Elle se rapprochait criant après le jeune homme qui ne
voulait pas y croire. Hélène, cette jeune femme souriante qui se dévouait corps
et âme pour la communauté, soignant les malades, redonnant courage aux familles
endeuillées ; cette femme racontait fièrement les horreurs qu'elle avait
pratiqué sur les deux pillards. Il était abasourdi et elle en profita. Sortant
un scalpel d'une poche, elle le lui planta sauvagement dans le bras avant de
lui faire un croc-en-jambe et de s'agenouiller sur son ventre. La douleur lui
avait fait lâcher le pistolet et sa tête buta durement contre le goudron. D'un
geste sec elle retira la lame affûtée avant de la faire danser devant le nez de
l'homme.
" Il n'y a pas de
place pour les faibles dans ce monde Alain.
- Non !" Inconsciemment, le comptable ramassa une pierre et la cogna violemment contre la tempe d'Hélène. Elle culbuta sur le côté, la main toujours crispée sur la lame rougie. Un fin filet de sang coula le long de son oreille puis de son cou où plus aucune pulsation ne venait évoquer la vie. Pressant de sa main son biceps ensanglanté, le jeune homme se mit à genoux devant la pauvre fille et se mit à pleurer.